
Surpris, étonné, faussement entendu mais souvent interrogateur : le visage de nos interlocuteurs lorsqu’on leur raconte que le « Myanmar » fait partie de notre tour du monde mérite à lui seul un article. Faut-il dire Birmanie ou Myanmar ? Quelques éléments de réponse.
Disons-le tout de suite : le Myanmar et la Birmanie, c’est le même pays. Néanmoins, l’usage de l’un ou de l’autre terme renvoie à des concepts beaucoup plus profonds et explique en partie l’Histoire mouvementée du Pays aux mille pagodes.
Le Myanmar est depuis 1989 le nom officiel de la Birmanie. Si vous l’ignoriez, ne vous inquiétez pas, c’est normal. En effet, la France n’a jamais reconnu ce nouveau nom. Si bien que la plupart des médias préfèrent encore utiliser « Birmanie » plutôt que « Myanmar ». Encore récemment, Le Monde titrait par exemple : « La Birmanie sommée de prendre des mesures pour prévenir un génocide contre les Rohingya ». Dans la même veine, France 2 proposait l’an dernier un reportage sur « Mandalay, centre de la Birmanie ».
Le « nom » de la France
Et on peut multiplier les exemples ! Si bien qu’il est pratiquement impossible d’entendre parler du Myanmar en France. Nos diplomates ont même reçu en 2008 une recommandation très officielle leur rappelant que la patrie d’Aung San Suu Kyi était bien la Birmanie et non pas le Myanmar. Si vous voulez des renseignements sur les formalités d’accès au Myanmar, vous tomberez invariablement sur la page « Birmanie » du site du ministère des Affaires étrangères.

La France n’est pas un cas isolé : la plupart des grandes puissances parlent de Burma (le nom anglais de la Birmanie) mais toujours pas du Myanmar. Pourquoi ? Le changement de nom du pays a été décidé par la junte militaire arrivée au pouvoir à la fin des années 80. La communauté internationale ne reconnaissant pas le nouveau pouvoir, elle ne lui donne pas non plus raison sur ce changement de nom.
D’ailleurs, l’opposition politique dans le pays se distingue en utilisant exclusivement le nom de Birmanie. Parmi les nombreuses promesses oubliées d’Aung San Suu Kyi il y avait justement le retour de la Birmanie comme nom officiel. Cinq ans après son arrivée au pouvoir, le Myanmar existe toujours.
Naissance d’un sentiment national(iste)
Paradoxalement, Myanmar est le premir nom de la Birmanie (si l’on peut dire). Il signifie : « Pays des premiers habitants du monde », en toute modestie. Un nom qui plaît bien à l’ethnie majoritaire sur le territoire : les Bya Mas, nom retranscrit en « Bamas » puis en « Birmans ». Les maîtres du pays imposent dès le XIIe siècle le terme de Myanmar. Quitte à exclure les minorités Shan et Kachin qui partagent le territoire mais ne sont pas birmans.
Ainsi naquit un sentiment de supériorité chez les Birmans. Ce sentiment se retrouve encore aujourd’hui dans la politique de préférence nationale (birmane) prônée par le nouveau pouvoir. Cette suffisance ethnique se prend un coup d’arrêt avec l’arrivée des Britanniques, au XIXe siècle. Pour eux, pas de problème : les Birmans sont majoritaires, le pays s’appelle donc Birmanie.

C’est finalement pour effacer la présence britannique des livres d’Histoire que les généraux au pouvoir font, comme souvent, du passé table rase et changent tous les noms d’origine anglo-saxonne. Ainsi, la Birmanie doit s’effacer au profit du mythique « Myanmar ». Même la capitale, Rangoun, devient Yangon. Et il en est ainsi pour toutes les villes birmanes dont le nom avait été anglicisé comme Pegu aujourd’hui appelée Bago, ou encore Tavoy qui s’appelle désormais Dawei.
La revanche du Myanmar
Dans les années 2010, le régime montre des efforts d’ouverture démocratique. C’est à ce moment-là qu’un certain nombre de médias internationaux commencent à utiliser le terme de « Myanmar ». C’est par exemple le cas de l’AFP, d’Associated Press et de Reuters. Le Financial Times parle lui aussi de « Myanmar » car c’est pour lui une question « d’équilibre journalistique ». En effet, le régime birman est aujourd’hui reconnu par l’ONU et avec lui le Myanmar se fait un nom.
Et comme si ce n’était pas assez compliqué, une dernière précision s’impose : les habitants du Myanmar sont appelés Birmans alors que les Birmans ne représentent que l’ethnie majoritaire dans le pays (qui en compte officiellement 134 autres !).
Alors nous, qu’avons-nous décidé ? Birmanie ou Myanmar ? Nos premières impressions nous amenaient à jongler de l’un à l’autre. Réunis en Conseil de sécurité extraordinaire, nous avons finalement arrêté une position commune (de nous deux) : légitimistes et ne voulant pas causer de torts à notre vieux pays, la France, nous utiliserons le terme de « Birmanie » dans nos articles et ceci prend effet tout de suite.
Je « plussoie » pour la Birmanie !!!😄