Khao Sok : le calme avant la tempête

Falaises karstiques à Khao Sok

C’est désormais à quatre que l’on poursuit l’aventure. Les parents de Matthieu nous accompagnent pour deux semaines sur les sentiers de Thaïlande. Notre première étape avec eux : le parc national de Khao Sok et sa nature imprévisible.

[Récit de notre étape à Khao Sok du 14 au 16 décembre 2019]

Pour loger à Khao Sok, nous vous recommandons le Palm View Resort, avec ses maisonnettes rustiques et spacieuses nichées dans une belle palmeraie.

Il est 1h du matin. Nous patientons devant l’aéroport de Phuket. Autour de nous, des dizaines de rabatteurs parqués dans des barrières en métal. Ils sont chargés de réceptionner les clients des hôtels, qu’ils dirigent vers des bus ou des chauffeurs privés. À chaque atterrissage, la même scène se répète : ils mettent de côté leur repas ou le petit tabouret qui leur sert de chaise pour fouiller avec agitation dans une immense pile de pancartes. Ils sont tous là pour la nuit, avec au moins dix vols à gérer. Ils dénichent enfin la pancarte qui correspond aux nouveaux arrivants, tantôt écrite en lettres latines, tantôt en caractères chinois. Puis les voyageurs débarquent, mal réveillés, qui longent l’allée à la recherche de leur nom. 

Nous aussi, nous sommes là pour réceptionner des voyageurs. Nous n’avons pas de pancarte. Mais nous savons très bien à quoi ils ressemblent. Ce sont les parents de Matthieu ! Les voilà qui passent la porte de sortie, après 18h de trajet depuis la France via Pékin. On se serre dans les bras, on s’embrasse. Après quatre mois de voyage, ces retrouvailles font du bien.

Notre étape : Khao Sok, son lac et ses montagnes

« On peut dormir sur une paillasse »

On se rappelle nos échanges avec Chantal et Olivier, en octobre, pour préparer ces quinze jours ensemble qui constituent leur premier voyage en Asie. « Ne changez rien à vos habitudes de tour du monde », nous avaient-ils demandé. « On va quand même prévoir l’itinéraire et réserver à l’avance les hôtels, histoire de ne pas être pris au dépourvu au plus fort de la saison touristique », leur avait-on répondu. Un tour du monde, c’est aussi des galères, et on aimerait quand même pouvoir les leur épargner !

Début novembre, nous étions revenus vers eux tout contents : « C’est bon, on a trouvé les hébergements, en moyenne 15€ par nuit par personne. » Mais eux : « Ah non. C’est beaucoup plus que votre budget habituel. On vous a dit de prendre des logements comme ceux que vous auriez pris si nous n’étions pas là. Vous savez, ça ne nous dérange pas de dormir sur une paillasse ». Ils étaient donc sérieux ! Il nous a fallu revoir tous nos plans à la baisse. On dormira pour 8€ par nuit et par personne. Les voilà satisfaits.

Nous avons prévu de remonter de Phuket à Bangkok. Six étapes en quatorze jours. Des trajets en bus, en bateau et en train. Un rythme soutenu, pour leur faire voir à la fois la ville, la mer et la campagne. Un itinéraire bis peu emprunté par les touristes, qui préfèrent généralement prendre un avion direct du Sud au Nord de la Thaïlande. Certes, nous louperons quelques incontournables – les îles Phi Phi ou la baie de Phang Nga – mais nous éviterons aussi le flot d’Occidentaux venus fêter Noël et le jour de l’An au soleil. 

Doigts de fée dans le parc de Khao Sok

Palm View Resort

À l’arrivée à notre auberge de jeunesse de Phuket Town, ils commencent à déballer leurs sacs : « On a du fromage, du vin, du chocolat ! » Tout ce qui nous manquait ! Mais demain, on part tôt. Malgré la joie de se revoir, on va plutôt commencer par dormir un peu.

Le jour levé, on avale un café et un fruit, puis on se met en route. Trois bus, deux changements, pour arriver quatre heures plus tard à Khao Sok. Dans ce village d’une seule rue, encastré entre les montagnes et la jungle, le dépaysement est immédiat. Nous nous posons au Palm View Resort, un petit hôtel familial abordable.

À la réception, la propriétaire de 70 ans, le dos tordu par la vie, est plongée dans ses livres de comptes. Derrière elle, une photo vieille de trente ans la représente avec son mari et ses enfants aujourd’hui grands. Sa fille a eu son diplôme d’ingénieur. Elle vit désormais loin d’ici. Son fils est resté à ses côtés. Il reprendra l’hôtel à sa mort. C’est lui qui nous amène jusqu’à nos chambres : des maisonnettes sur pilotis au coeur d’une plantation de palmiers. Entre les branches, on entrevoit les montagnes karstiques qui font le charme de la région. 

Dans le jardin luxuriant du Palm View Resort

Vin, fromage et papaye verte

L’après-midi est déjà bien avancée. « Cette fois, on peut sortir nos victuailles », annonce Chantal. On se pose autour d’une table ronde et on déballe. Tomme, fromage de chèvre, Saint Marcelin, beaufort, mais aussi saucisson, tablettes de chocolat, gâteaux… C’est à n’en plus finir. On ne sait plus où donner de la tête ! « Le fromage ne tiendra pas longtemps à cette température. Il faudra le manger rapidement. Et puis ça nous fera du poids en moins à porter », nous dit la mère de Matthieu tandis que son père débouche une bouteille. Nul besoin de nous faire prier : on commence aussitôt la dégustation.

On rejoint ensuite le village de Khao Sok pour dîner. Dix minutes à pied dans la plantation à la lumière des frontales, un petit goût de l’aventure qui nous attend pendant ces deux prochaines semaines. Ce soir, c’est le premier contact de Chantal et Olivier avec la nourriture thaïe. Un contact… piquant ! Alors que nous avons eu quatre mois pour nous habituer aux épices et aux piments, eux s’y plongent d’un coup en dégustant… une salade de papaye verte. Une spécialité qu’on n’oublie pas ! Ils sentent aussitôt le feu les dévorer. La mine rougie, ils nous laissent finir ce plat pour mieux se concentrer sur les assiettes de pad thaï et de khao pat.  

Une partie de la livraison !

Promenade en pirogue

Si nous faisons halte à Khao Sok, c’est pour son parc national créé en 1980. Il abrite une jungle tropicale, ainsi qu’un impressionnant lac bordé de massifs karstiques. Ce lac est… artificiel. Il résulte en fait de la construction du barrage de Rajjaprabha en 1982. Oui, vous avez bien lu : les autorités thaïlandaises ont décidé de protéger cet espace naturel puis, deux ans plus tard, d’en détruire une large part afin de produire de l’électricité… Une contradiction déroutante. Il n’empêche que ce parc national, plusieurs fois étendu depuis afin de « compenser » l’édification du barrage, est absolument magnifique. 

Après avoir fait le tour des agences du village, nous décidons finalement de passer par notre hôtel pour organiser une journée d’excursion en bateau, le tarif qu’il nous propose étant sans commune mesure avec ses concurrents. Un mini-van nous attend à l’aube pour nous conduire jusqu’à l’embarcadère, situé à une heure de route de Khao Sok. Après avoir réglé les frais d’entrée dans le parc national, nous faisons connaissance avec notre guide pour la journée et embarquons dans sa pirogue. Le lac de Cheow Lan fait 185km². Une immense étendue d’eau à perte de vue que seules les falaises calcaires, hautes de plusieurs centaines de mètres, viennent interrompre. 

Nous sommes frappés par le calme des lieux. En dehors du moteur de notre bateau, c’est le silence le plus complet. Il n’y a pas d’autre embarcation à l’horizon. Il faut croire que les touristes ne sont pas encore arrivés. Le seul signe de vie que nous apercevons se trouve au dessus de nos têtes : quelques aigles pêcheurs qui dessinent lentement des cercles en recherchant leur proie. Plus la pirogue progresse, plus le chenal se rétrécit. On frôle à présent les montagnes. De leurs 1.000m d’altitude, elles nous font face avec autorité. Leurs arrêtes sont abruptes, piquantes. Ce qui n’empêche pas les graines essaimées par le vent d’y pousser, d’y grandir pour se transformer en arbres tortueux qui s’agrippent  à la paroi comme des moules à un rocher. 

Chantal et Olivier sont sur un bateau…

Une forêt de 160 millions d’années

La deuxième étape de notre visite, c’est la jungle. Nous y accostons en milieu de journée. Après un déjeuner de poisson et de riz, il est temps d’entamer la marche. On se suit à la queue leu leu sur un étroit sentier au-dessus de l’eau. Il faut soupeser chaque pas pour ne pas glisser. Puis nous pénétrons enfin cette forêt primaire âgée de 160 millions d’années.

Sa flore aux mille teintes de vert nous éblouit. Nous caressons du doigt les feuilles d’un mimosa pudica qui aussitôt se referment pour échapper à l’agresseur. Nous apercevons sur une tige l’énorme chenille d’un papillon sphinx. À côté, un phasme tente de se fondre sur une écorce. Et que de dire de ces araignées colorées aux pattes longues comme nos mains qui ont tissé leurs toiles entre les arbres ? 

Sous la canopée, le sol est encore une fois humide, glissant. On se salit un bon coup les Quechua puis on coupe carrément à travers la rivière, immergés jusqu’aux genoux. On entend les oiseaux sans pour autant les voir. Ils sont dissimulés entre les branches, s’interrogeant sûrement sur cette file d’étranges inconnus pâlichons qui progressent le souffle court. On retrouve l’ambiance de la jungle de Sumatra, parcourue un mois plus tôt. Tandis que les parents de Matthieu découvrent cette nature foisonnante pour la première fois.

Les portes de la jungle

Spéléo aquatique

Nous atteignons le pied d’une colline. À partir de là, la rivière passe sous terre. Notre guide nous propose pour autant de continuer à la suivre. Nous nous regardons, un peu hésitant, puis on se lance. On se débarrasse de toutes les affaires inutiles. On ne garde en fait qu’une frontale et un maillot de bain. Puis en route pour une séance de spéléologie dans l’obscurité totale !

Plus qu’une grotte, c’est un boyau. Nos épaules frottent contre les parois. Au plus bas, l’eau nous arrive à la taille. Au plus haut, nous devons nager. D’autres fois, on escalade. Par ici, une chauve-souris qui attend la nuit. Là-bas, des grenouilles vertes qui tentent leur chance avec les quelques moustiques de passage. Ils semblent indifférents à notre présence. Tant mieux, qu’ils gardent leur distance ! Vingt minutes plus tard, on est enfoncé au plus profond de la cavité. Il n’est plus possible d’aller plus loin, sauf à plonger totalement. Notre petite file fait demi-tour. 

On pense la journée terminée. Elle fût déjà particulièrement riche et dense ! Sauf que la nature de Khao Sok nous a réservé, à sa manière, une surprise. Alors que nous quittons la forêt et embarquons pour rejoindre notre point de départ, nous sentons des gouttes. On pense d’abord à une petite averse et on ne s’inquiète pas. Mais plus notre bateau s’avance sur le lac, plus les nuages se font épais. Les gouttes se transforment en un véritable torrent qui s’abat sur nos épaules. Nous sommes au cœur d’un orage violent.

Chenille de papillon sphinx

Une averse ? Non, une tempête

L’étendue d’eau, si paisible à l’aller, devient une véritable zone de tempête, avec ses vagues qui claquent la coque. Notre guide, comme nous, n’en peut plus. Il décide de s’arrêter sous une paroi, le temps de reprendre notre souffle. Un abri sommaire, où nous ne pouvons pas rester indéfiniment. Alors il relance le moteur et on poursuit le chemin. 

Nous sommes tous recroquevillés sur la pirogue, un K-way ou un sweat sur la tête, le corps depuis longtemps détrempés. Nous croisons les doigts pour que l’appareil photo et les passeports rangés dans notre sac survivent à ce trajet infernal. Parfois, on se redresse légèrement pour voir où l’on en est. Mais on ne voit pas à deux mètres tant il pleut. Les éléments se déchainent. Il n’y a plus qu’à espérer que notre guide sait ce qu’il fait et où il va. La pluie lui fouette le visage mais il ne bronche pas et tient la barre coûte que coûte. Une heure plus tard, nous voici à l’embarcadère. On court sur le ponton pour rejoindre un auvent. On y essore nos habits tant bien que mal, avant d’entrer enfin dans le mini-van du retour. 

À Khao Sok, la nature nous a rappelé que barrage ou pas, main de l’homme ou pas, elle reste aujourd’hui encore le seule maîtresse en ces lieux millénaires, nous faisant passer en un claquement de foudre du paradis terrestre à l’enfer de la désolation. Nous voici prévenus pour la suite du voyage !

Aux abords du barrage

Nos coups de coeur

Dormir. On a aimé le Palm View Resort, avec sa palmeraie, ses maisonnettes rustiques mais spacieuses et sa sympathique famille de propriétaires. Si la route qui y mène est un peu tortueuse, un petit chemin situé à l’arrière du jardin permet de rejoindre le village en 5min à pied. Les clients bénéficient d’une réduction appréciable pour des excursions à la journée dans le parc de Khao Sok. Chambre double avec salle de bain privative à partir de 11€ la nuit.

Manger. Foncez les yeux fermés au Lap Roi Et, un resto à la déco tout en bambous, où l’on vous sert des plats savoureux et TRÈS copieux (une assiette pour deux suffit amplement !). En plus des classiques de la cuisine thaï, de bons poulets rôtis à la broche.

Explorer. Comptez 40 euros par personne pour une journée d’excursion guidée dans le parc de Khao Sok : aller-retour en voiture depuis le village, stop dans un marché, tour de 3h en pirogue, déjeuner, promenade de 2h dans la jungle et exploration de la grotte de Nam Talu.

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4 commentaires sur “Khao Sok : le calme avant la tempête

    1. Bonjour, Nous avions fait cette excursion par l’intermédiaire de notre hôtel (indiqué dans l’article), car les prix qu’il proposait étaient comparables voire inférieurs à ceux pratiqués dans les agences du village.

  1. Merci beaucoup pour ce magnifique rapport sur votre voyage et la nature! – C’est un grand plaisir de le lire. – La belle chenille sous la feuille partiellement mangée, c’est une Daphnis hypothous sur Neolamarckia cadamba.

    Cordialement
    Bostjan Dvorak

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