
Faire étape à Nara est un rituel auquel on ne saurait renoncer. Dans cette ancienne capitale de l’Empire, l’Histoire, les mythes et la nature se mêlent pour ne faire plus qu’un. Aussi touristique soit-elle devenue, elle n’a rien perdu de son splendide et de son charme. Porte-folio.
On vous l’a dit lors de notre étape à Kyoto : les Japonais ont cette qualité de chérir autant les temples et les palais d’antan que la mousse verte qui se répand sur la terre ou les fleurs roses qui recouvrent chaque printemps les branches des cerisiers. Le culte qu’ils vouent à leur patrimoine historique n’a d’égal que le culte qu’ils vouent à la nature. Et l’un ne peut exister sans l’autre.
Nara est peut-être le plus bel exemple de cette symbiose. C’est sûrement pourquoi elle occupe une place si particulière dans le coeur des Japonais comme des voyageurs qui se rendent sur l’Archipel. Cela relève désormais du rituel : nul ne parcourt le Japon sans y faire étape. Et nous n’y avons évidemment pas fait exception.
Première capitale « fixe » du Japon
Nara, c’est d’abord une ville d’Histoire : elle est la première capitale “sédentaire” du Japon. Pendant longtemps, les Japonais ont vu la mort comme une impureté. Elle frappait le défunt autant que ses biens. Cet enseignement du shintoïsme était ancré si fortement dans la société qu’on avait pris coutume, au décès du souverain, de raser son palais pour en construire ailleurs un nouveau.
Le Japon vit jusqu’au VIIIe siècle au rythme des capitales itinérantes. Jusqu’à ce que les considérations politiques et administratives prennent le dessus sur les croyances, et qu’on estime qu’un pouvoir impérial immuable nécessite une capitale durablement installée. C’est dans ce contexte que Nara est choisie en 710 pour accueillir le palais impérial, elle s’appelle alors Heijō-kyō.
Là où le cerf devient divinité
Mais Nara c’est aussi un sanctuaire naturel : celui où l’on célèbre le cerf Sika. La légende veut qu’en 768, Takemikazuchi, le dieu du tonnerre, apparait sur le mont Mikasa qui domine la ville en ayant cet animal pour monture. Par ce geste, il apporte sa protection à Nara. On construit le temple de Kasuga à l’endroit de son apparition pour l’en remercier – celui-ci se visite d’ailleurs toujours.
Le cerf Sika devient alors un animal divin pour les Japonais. Non seulement on le laisse prospérer dans la cité, mais on lui apporte aussi toutes les marques de respect dues à son rang. Jusqu’au XVIIe siècle, les habitants doivent s’incliner à son passage ; tuer un cerf est alors passible de la peine de mort.
« Trésor naturel »
Il faut attendre la Seconde guerre mondiale pour que la situation évolue. Pendant le conflit, les privations de nourriture obligent les habitants à se nourrir des cerfs, leur nombre se réduit drastiquement. Puis c’est la capitulation, la chute du Japon féodal et l’adoption d’une nouvelle constitution imposée par les Américains. Celle-ci sépare soudain la religion de l’État, elle supprime de fait le statut officiel des cerfs.
Les Japonais entrent dans un nouveau monde, mais ne renient pas leurs traditions pour autant. À défaut d’être légalement reconnu comme divin, le cerf Sika se voit sacré “trésor naturel” en 1957. Il retrouve une place à part dans la société.
Aujourd’hui, plus d’un millier de cerfs Sika vivent en liberté à Nara, se partageant entre les allées des temples et des palais et un parc naturel protégé de plus de 500 hectares. Porte-folio.
Très belles photos. Matthieu attire les biches 😉
Très jolie série série de photos . Merci !