
On les appelle paradoxalement « les villes coloniales ». Guanajuato, San Miguel de Allende et Santiago de Querétaro sont pourtant au cœur du Mexique révolutionnaire. Des terres insurrectionnelles par essence, rougies par le sang des pères de l’Indépendance et qui conservent aujourd’hui l’âme de la Nation mexicaine.
[Récit de notre séjour dans le Nord de Mexico du 5 au 10 septembre 2020]
Partout sur la route qui nous mène de Mexico à Guanajuato des panneaux « Dolores Hidalgo ». Habitués à voir le nom de la Maire de Paris un peu partout depuis notre arrivée dans le pays, nous ne sommes plus aussi amusés qu’au début. Au contraire, on s’impose une certaine retenue à la lecture de cette direction mythique pour les Mexicains.
Un prêtre iconoclaste
Dolores Hidalgo c’est en effet le cœur vibrant du Mexique. L’endroit où tout commença dans l’Histoire moderne. Un peu comme la cathédrale de Reims pour la France, Dolores est le lieu sacré de la Nation. C’est là qu’en 1810 le prêtre de la commune, Miguel Hidalgo, lança l’appel à l’Insurrection : le Grito. Si on ne parle pas Révolution, c’est que la lutte qui s’engage alors n’est pas précisément pour changer un système politique mais pour en finir avec le dirigeant de l’époque, Joseph Bonaparte, Roi d’Espagne, imposé par son Empereur de frère.
De fait, les Espagnols trouvent des alliés inattendus au Nouveau monde puisque les Mexicains de l’époque vont lancer une véritable guerre contre le pouvoir devenu français et pour le retour du roi « légitime » Ferdinand VII.

Néanmoins, au-delà cette allégeance de façade, l’idée des premiers Insurgés va rapidement dépasser leurs intentions loyalistes. Miguel Hidalgo était en effet un prêtre assez particulier : père de cinq enfants, il n’hésite pas à organiser des fêtes somptueuses avec sa maîtresse. Il se montre également très proche des peuples indigènes sous couvert d’évangélisation, il en apprendra plusieurs langues. Il est également fan de la Révolution française. C’est cette synthèse entre religiosité, vindicte et anticonformisme qui se trouve encore aujourd’hui au cœur de l’identité multiple des Mexicains.
Dans le fief d’Hidalgo
C’est aussi peut-être « grâce » à sa mort héroïque, ayant combattu jusqu’au bout, victorieux des troupes franco-espagnoles favorables à Bonaparte mais arrêté, jugé par l’Inquisition et les instances politiques, fusillé et décapité à Chihuahua, que le « généralissime des armées d’Amérique » est devenu le Père de la Patrie.
Nous quittons donc Mexico, la capitale, pour l’autre cœur du Mexique. Nous ne passons pas à Dolores mais nous allons directement à Guanajuato, à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest. C’est ici qu’Hidalgo prit définitivement le leadership dans la lutte : le prêtre-militaire y fit massacrer la population fidèle à Joseph Bonaparte. C’est également là que, symboliquement, un an plus tard, la tête de Miguel Hidalgo fut exposée. Elle y resta 10 ans !

Heureusement, en ce début septembre 2020, Guanajuato n’a plus la tête (!) à la révolte. Bien que le covid soit ici aussi une réalité, l’ambiance reste plutôt détendue. Le soir de notre arrivée par exemple, nous poussons la porte d’un bar d’où s’échappent des sons électroniques depuis longtemps disparus en France.
De la vallée infernale au Connemara
Deux tables, une piste de danse, un comptoir avec deux barmen. On sympathise, on boit des verres de pulque, l’alcool des Aztèques, et on prend les commandes de la playlist. Pierre commence de manière soft avec « L’Aventurier » puis entraine tout le monde dans une ronde sur « Les Lacs du Connemara ». Michel Sardou, même au milieu du Mexique, ça fonctionne toujours ! Et comme en France, lorsqu’au « printemps suivant, le ciel irlandais était en paix » c’est l’heure de fermer le bar.
On continuera longuement à discuter avec José, le barman au look baba, tresses et bracelets, qui nous racontera sa fascination pour les rites chamaniques. Le Mexique contemporain ne perd jamais de vue le Mexique des ancêtres.

On s’en rendra compte d’autant mieux le lendemain. Guanajuato, siège de la première bataille victorieuse des Insurgés, est aussi connue pour ses momies. Des corps conservés de manière quasi-intacte ont en effet été redécouverts entre 1865 et 1958. La plupart proviennent du cimetière-même de Guanajuato. Il s’agit en fait des restes d’habitants ayant succombé à une épidémie de choléra au début du XIXe siècle.
Les momies des vivants
Une taxe était alors appliquée à leur famille afin de pouvoir les garder dans leur sépulture. Lorsque les parents ne pouvaient plus payer, les corps étaient automatiquement déterrés pour laisser la place à d’autres victimes. Le cimetière fut ainsi quasiment retourné en une centaine d’années. Et parmi les corps inhumés, certains sont ressortis naturellement momifiés. Les fossoyeurs de l’époque, sentant le bon filon, ont commencé à faire payer les visiteurs venus découvrir ces momies mystérieuses.
Aujourd’hui, un musée assez étonnant abrite les restes en bon état de ces habitants de Guanajuato (dont un médecin français). L’endroit est loin d’être glauque mais un peu rébarbatif voire gênant lorsqu’on découvre les momies d’une mère portant dans ses bras son bébé mort-né. Il n’en reste pas moins que les momies de Guanajuato ont une importance capitale pour les Mexicains. Comme si décidément cette terre était fertile en fierté nationale, elles sont devenues le symbole de la renaissance du pays.

À l’image des momies, le Mexique est passé de la mort à l’époque espagnole à la vie nouvelle grâce aux premiers Insurgés de 1810. Elles font appel aussi aux traditions ancestrales qui glorifient la mort jusqu’aux fêtes excentriques du 1er-Novembre. Yair nous l’a très bien expliqué à Mexico : les momies de Guanajuato sont le trait d’union entre les traditions qui passent et les croyances venues des tréfonds du Mexique.
De profundis
Les profondeurs sont aussi au cœur de cette ville, capitale de la région du même nom. Guanajuato doit sa richesse non pas à ses momies du XIXe siècle, mais à ses mines. La commune est ainsi truffée de souterrains. Un véritable réseau de routes passe sous les maisons parfois à plusieurs dizaines de mètres en profondeur. Il s’agit des vestiges des anciens soubassements creusés à même la montagne par les mineurs qui, depuis 1558, en extrayaient de l’argent.
Des carrefours avec feux de signalisation et panneaux directionnels sont ainsi posés en sous-sol dans ces anciennes galeries où l’on peut circuler comme dans un tunnel moderne à double-sens. C’est par le bas que nous sommes entrés pour la première fois à Guanajuato. La sensation est assez inhabituelle mais là encore le symbole est fort : de l’obscurité nous renaissons au milieu d’une bourgade bouillonnante et extrêmement colorée.

Ce n’est qu’en grimpant sur un promontoire surplombant la ville que nous nous rendons compte de la beauté magnétique de celle-ci. Construite dans le creux d’un vallon, elle ressemble à une médina du Maghreb ou plutôt à une ville du Rajasthan. On pense immédiatement à Jodhpur bien qu’ici le rouge, le jaune, le orange l’emportent sur le bleu indien.
Un Spartacus pyromane
Les dômes des églises nous donnent des points de repère. Une minuscule place arborée donne l’unique touche de vert à cet océan de couleurs fauves. L’université, massive et blanche, écrase du poids du savoir toute la vieille cité qui ne comptait même pas une école en 1824. L’effet est saisissant surtout après une grimpette éprouvante… Matthieu adore les panoramas, comme OSS 117. Et parfois, il faut se les gagner. C’est donc au pied de la statue colossale de Juan Jose de los Reyes Martinez, dit Pipila, que nous contemplons Guanajuato, encore plus majestueuse qu’en bas.
Là encore, le message est puissant. Pipila était un mineur de Guanajuato. À l’appel de Miguel Hidalgo, il n’hésita pas à rallier les Insurgés. Sa bravoure et son dévouement à la cause le transformèrent en une sorte de Spartacus des temps modernes. Les traits définis par le sculpteur rappellent d’ailleurs assez curieusement ceux de Kirk Douglas dans le chef-d’œuvre de Kubrick.

Enflammé à l’idée de révolte, c’est lui qui prit l’initiative de mettre le feu à l’Alhóndiga de Granaditas, l’immense grenier qui servait de refuge aux loyalistes, assiégés par les troupes d’Hidalgo. C’est avec cette torche qu’il est aujourd’hui représenté, telle la Liberté guidant le peuple ou accueillant les migrants dans le port de New York. Son geste scella définitivement la victoire du camp des Insurgés. Un an plus tard, c’est au sommet de cette même Alhóndiga de Granaditas que la tête de Miguel Hidalgo sera suspendue à titre d’exemple.
Dans la cave !
Guanajuato est donc faite de hauts et de bas. Au sens propre comme au sens figuré. On monte sans arrêt, on descend aussi, un peu, ces rues tortueuses à flanc de montagne. On évite une voiture sortant d’un souterrain, on lève le regard pour admirer ses balcons colorés qui tranchent avec le gris de la pierre. Et on déjeune sous les halles du marché, véritable bijou du début du XXe siècle.
À notre hôtel aussi on veut nous mettre dans l’ambiance de l’ancien cité minière : c’est dans une chambre en sous-sol qu’on nous installe à notre arrivée. Un simple soupirail nous envoie la lueur du jour à travers les pas des piétons qui se promènent quelques mètres plus haut. Si la chambre est en apparence confortable, et même si elle a un certain cachet avec son plafond vouté, on se trouve un peu à l’étroit dans cette cellule d’où résonnent les échos de la ville.

Heureusement, une chambre se libère dans les étages. Nous profiterons alors pleinement du soleil de Guanajuato du haut de sa terrasse. Pierre y pratiquera même ses séances FizzUp, héritage du dernier confinement français.
Liberté et Covid-19
Ici, à ce moment-là, le masque est évidemment obligatoire dans la rue. Même les statues en portent pour donner l’exemple. Du gel hydroalcoolique est à disposition à l’entrée de chaque magasin, musée et autre lieu clos. On nous prend systématiquement la température (comme au Japon) et on doit même nettoyer ses semelles de chaussures dans un pédiluve. Au Mexique, le covid se transmet aussi par les pieds. Néanmoins, ces quelques adaptations sanitaires ne semblent pas remettre en cause les habitudes : tout est ouvert, il n’y a pas de couvre-feu, les habitants sont avenants même avec les étrangers.
Un vent de liberté certain flotte dans cette ville du bout du monde (même si on n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres de Mexico). L’air est chargé d’odeurs nouvelles pour nous. À commencer par celles du maïs, omniprésent, partout. Le soir, ce n’est pas un cliché, on suit les habitants de Guanajuato dans l’un des nombreux restos de tacos. Pour une bouchée de pain (c’est le cas de le dire), on mange trois, quatre, six galettes de maïs fourrées au bœuf, au poulet ou même à la cervelle de mouton ! Matthieu est aux anges.

Le taco, meilleur moyen d’éponger le pulque, la tequila ou l’une des nombreuses bières mexicaines dont la plus célèbre est aujourd’hui synonyme de pandémie : la Corona. Et dire que la consommation de la cerveza préférée de Jacques Chirac a plongé aux États-Unis ; certains Américains étant persuadés que le coronavirus était une maladie liée à la bière du Mexique…
Romantisme mexicain
Mais très vite on retombe dans le romantisme avec d’abord la maison natale de Diego Rivera, le tumultueux amant de Frida Kahlo, révolutionnaire jusqu’à la mort, muraliste de génie, artiste-phare du nouveau Mexique. Rien d’étonnant dans son parcours quand on naît à Guanajuato.
Et puis il y a cette ruelle où deux balcons sont si proches que des amants de Vérone pouvaient s’embrasser sans avoir à sortir de chez eux. Quand le père de la jeune fille découvrit le subterfuge, il assassina le prétendant… Un Maire a même décidé dans un coup de folie d’interdire les baisers afin d’éviter toute nouvelle pulsion meurtrière. L’arrêté a très vite été battu en brèche par les habitants. Impossible de soumettre les sentiments des habitants de Guanajuato.

La tête tourne à travers ces ruelles où les quartiers populaires des hauteurs nous font plonger le regard vers les églises du centre. Merveilles baroques sous des coupoles à faire frémir Saint-Pierre de Rome. Exubérance à l’intérieur. Kitsch assumé des statues habillées, maquillées, enguirlandées d’ampoules colorées. Le « goût » espagnol est passé par là.
Un Disneyland à la sauce tex-mex
On quitte Guanajuato et ses taxis verts, José, son bar et Michel Sardou. On quitte les couleurs révolutionnaires, le bouillonnement insurrectionnel et on prend un bus au confort 4 étoiles. C’est l’une de nos premières surprises au Mexique : les transports en commun sont d’un luxe jamais atteint durant notre tour du monde. Fauteuils en simili cuir, écran de télévision individuel qui nous diffuse nos premières telenovelas, clim, espace pour ranger les sacs,… Et ici on ne voyage pas parmi les poules ou les sacs de poissons séchés mais avec un tamal qui nous aide à faire passer le pulque de la veille. Dehors, la nature est plus hostile. La pluie et la grêle battent les vitres de notre bus qui fonce à travers les cols à plus de 3.000 mètres d’altitude. Un véhicule militaire n’a pas eu la même veine : on le croise effondré sur le bas côté, les soldats groggy, certains en état de choc, d’autres blessés. Notre bus ralentit à peine.
C’est dans ce contexte que nous arrivons à San Miguel de Allende. Nous sommes désormais sur un haut-plateau. La ville est construite sur un petit promontoire afin de voir arriver l’ennemi. Mais rien à voir avec le terrain chaotique de Guanajuato. Rien à voir non plus, l’urbanisme : ici, les rues se coupent à la perpendiculaire, le plan de la ville est en quadrillage, signe extérieur de l’apport espagnol.

Rien à voir non plus, l’ambiance. San Miguel de Allende est devenu en quelques années un lieu de retraite pour Américains. Un Disneyland à la sauce tex-mex. Nous avons quitté l’insouciance de Guanajuato pour finir dans un centre-ville où les rues sont barrées de sas d’entrée avec désinfection intégrale des vêtements. On reconnaît un peu du Mexico dans la manière de faire. Peut-être afin de rassurer les riches Américaines qui investissent des fortunes pour retaper de vieilles maisons coloniales laissées à l’abandon… On les reconnaît d’ailleurs, ces gringas, coiffées comme leurs chiens qu’elles baladent nonchalamment dans la rue. On se croirait dans la scène d’ouverture des 101 Dalmatiens !
Porque Covid
Restrictif, aussi, l’accès au belvédère dominant la ville. Comme à Guanajuato, « il faut aller voir ce panorama », insiste Matthieu. Nous sommes là aussi à 2.000 mètres d’altitude et chaque marche nous approchant du site est forcément plus fatigante à franchir qu’au niveau de la mer. C’est donc passablement essoufflés que nous arrivons sur une petite place dominant la ville… Matthieu est déjà excité comme une puce. Jusqu’à la déception : l’endroit est totalement barriéré ! On ne verra pas San Miguel de Allende d’en-haut, « porque covid » (« à cause du covid »).
Quoiqu’il en soit, on se dit que le vrai Mexique est peut-être ici. Le Mexique du covid. Terne malgré les couleurs des bâtiments. Moins avenant malgré l’exubérance de son église construite par un Mexicain s’inspirant des cathédrales européennes. Moins chaleureux malgré les fresques qui recouvrent les cours intérieures des grands bâtiments. Malgré tout, on comprend les craintes. Mais dès le lendemain, au sortir du week-end, on comprend aussi d’où vient cette sensation : San Miguel de Allende n’est plus habitée.

Les Américains ont acheté et racheté tellement de maisons que la ville s’est vidée de ses habitants, rejetés par l’effet de la spéculation dans les faubourgs, au pied de la butte. Et puis, « porque Covid », les Américains ont préféré rentrer chez eux plutôt que de tomber malade au Mexique. Si bien que nous sommes dans une ville certes charmante, classée au patrimoine de l’UNESCO, mais sans vie. Un énorme ceviche pris dans un resto tenu par des jeunes mexicains dans un quartier sans âme nous redonne le sourire et nous rassure : le Mexique ne manquera jamais de saveur.
Sébastien Castella superstar
C’est sur cette note que nous poussons encore plus loin notre exploration dans la région de Miguel Hidalgo. Toujours en bus, nous atteignons Santiago de Querétaro (Querétaro pour les intimes). Morts de faim, nous nous précipitons dans une cantina. Le principe est simple : tu bois et on t’offre à manger. Et pas que des cacahuètes ou des chips moues. Non, dans les cantinas mexicaines, ce sont de vrais plats que l’on offre contre l’achat d’une boisson.
Il n’est que 15h mais nous voici « contraints » de vider une premier canette de Victoria. Le premier plat arrive : un ceviche. Pas mal quand on sait à quel point en France c’est devenu un luxe de s’offrir cette spécialité latino-américaine composée de poisson cuit dans du jus de citron. À la télé, un match de foot : France-Croatie. Ça tombe plutôt bien. Pendant que vous le regardiez en prime-time, on le regardait en plein déjeuner au cœur du Mexique !

« Ah vous êtes Français ! Vous devenez connaître… » Le patron de la cantina s’approche de nous et on est sûr qu’il va nous parler de Mbappé ou de Griezmann. Mais surprise, le foot ne semble pas l’intéresser : « Vous devez connaître Sébastien Castella. » Nous nous regardons. Nous regardons le patron. Pierre commence déjà à cogiter : qui est ce Sébastien Castella ? Inquiet, il avoue (ce qui est rare) sa méconnaissance. « Mais si ! Sébastien Castella ! Le meilleur torero français ! » À mille lieux de penser qu’on allait nous parler de tauromachie au Mexique ! Mais c’est vrai que, comme les tapas et les nouvelles maladies, les Espagnols ont aussi importé les corridas au Nouveau monde.
Une révolution politique
Querétaro est déjà beaucoup plus vivante que sa voisine. Les rues sont aussi composées en damier. Mais on retrouve ici un certain style plus populaire, plus patiné, moins policé qu’à San Miguel de Allende. Une manif nous attend même sur le zocalo. Une poignée de personnes proteste pour obtenir la condamnation des derniers Présidents, tous accusés de corruption. Longtemps le Mexique a été appelé « la dictature parfaite » étant donné qu’un parti dominait la vie politique depuis les années 50.
Aujourd’hui, et pour la première fois, le Président est de gauche. AMLO (contraction de Andrés Manuel López Obrador) doit faire face non seulement à la pandémie mais doit aussi assainir la démocratie et redonner confiance à son peuple. La tâche est ardue. Et il n’a qu’un mandat pour le faire : les Présidents mexicains ne peuvent être élu qu’une fois pour 6 ans.

On retrouve donc ce souffle un peu contestataire à Querétaro et ce n’est pas pour nous déplaire. Les édifices coloniaux magnifiques offrent un nouvel écrin aux statues de chefs aztèques qui commencent à peupler les villes mexicaines. La double-appartenance est aussi un combat à mener par les autorités, toujours dominées par des descendants d’Espagnols ou métis. Et même si 70% de la population du Mexique est aujourd’hui le fruit de ce mélange de peuples, il n’en reste pas moins que les « natifs », ceux qui n’ont pas connu le métissage (environ 10% de la population) subissent encore les préjugés.
Terre verte, blanche et rouge
Paradoxalement, on sent déjà, et la suite de notre voyage nous le confirmera, que les Mexicains se disent souvent Maya ou Aztèque ET Espagnol. Les deux appartenances ne s’annulant pas, elles forment ce que l’on appelle le peuple du Mexique. Pour preuve, là encore, la profusion de drapeaux, de bibelots, de déguisements, de cotillons, de maquillage aux couleurs du Mexique qui fleurissent un peu partout.
Nous sommes à quelques jours désormais de la Fête nationale ; celle qui commémore l’appel à l’insurrection de Miguel Hidalgo. À Querétaro, au cœur du Mexique moderne, des vendeurs ambulants traînent des kilos de drapeaux de toutes tailles dans les rues. Et les gens achètent afin de renouveler leur stock et rendre hommage à la Nation comme il se doit. Le drapeau vert, blanc et rouge est omniprésent depuis notre arrivée dans le pays. Il existe même une fête dédiée à l’emblème national, le 24 février.

Deux cent dix ans après le Grito d’Hidalgo, ses terres restent source de bouillonnement. Il ne faut pas grand chose à Guanajuato pour redevenir le fief du soulèvement. Il faudrait un bon souffle de frais à San Miguel de Allende pour qu’elle retrouve sa fougue. La bravoure de Querétaro, son patrimoine, son audace dans l’unité du peuple mexicain peuvent faire d’elle plus qu’une capitale régionale.
L’Empire mexicain
L’appel de Miguel Hidalgo, son patriotisme syncrétique, son élan, sa modernité, ses excès, sa force, son courage, sa vision du Mexique ne sont pas morts avec lui. Au contraire. Le Mexique du XIXe siècle a inspiré les guerilleros qui ont mis en déroute l’occupant espagnol puis, de nouveau, les forces françaises revenues en conquérantes. Hidalgo a aussi inspiré, cent ans après le début de la révolte, le soulèvement de 1910 contre le dictateur Porfirio Díaz.
Révolutionnaire et bouillonnante, l’Histoire du Mexique est passionnante. Au-delà des grandes civilisations précolombiennes qui nous attendent, la patrie de Guillermo del Toro fut un Empire, troisième pays du monde à l’orée du XXe siècle, puissant, riche, englobant plus d’un tiers des États-Unis, faisant jeu égal avec son plus ancien rival, guerroyant et perdant contre celui-ci l’équivalent de six États américains. Le Mexique dut se séparer de la Californie en 1848… un an avant la découverte des filons d’or.

Le Mexique n’est pas qu’une frontière au sud du Rio Grande, on le savait, nous qui venons d’Europe. Les États-Unis mexicains, son nom officiel, nous embarquent plus en avant dans une histoire millénaire. Une poussée de patriotisme inclusif qui nous entraîne nous-mêmes dans une sorte de festivité malgré le contexte sanitaire. On a hâte d’en découvrir et d’en savoir plus. Alors on quitte ces villes qui n’ont de colonial que leur aspect pour descendre plus au sud, vers les origines du Mexique d’avant le Mexique.
Nos hébergements
A Guanajuato, la Mesón Cuévano, un hôtel très joliment aménagé dans une maison historique du centre-ville. Chambres spacieuses, confortables et calmes. Emplacement idéal pour visiter la cité à pied. Comptez environ 1 000 pesos la nuit (50€), petit déjeuner inclus.
A San Miguel de Allende, l’Hotel posada Maria Luisa, un petit établissement familial très bon marché. Chambres simples mais spacieuses. Excellent petit déjeuner. Comptez 700 pesos la nuit (35€).
A Querétaro, l’Hotel Tres Sofias, niché dans une petite allée étroite où s’alignent des chambres entièrement refaites à neuf et très bien équipées. Lits particulièrement douillet. Comptez 700 pesos la nuit (35€).
Superbe ! Vous créez merveilleusement l’envie de visiter ce pays.
Passionnant ! Merci.