
Loin du cliché du « petit bout de France à l’autre bout du monde », Pondichéry nous a surpris car elle est une ville multiple : tentaculaire à l’indienne, insouciante à la française mais aussi musulmane, tamoule et mystique.
Pour la plupart d’entre nous, Pondichéry est intimement liée à nos années de lycée. D’abord parce qu’on a tous révisé notre bac grâce aux épreuves anticipées du lycée français de Pondichéry. Ensuite parce que cet ex-comptoir français des Indes raisonnait en cours d’Histoire comme une destination romanesque. Eh bien, nous y sommes dans cette ville !

Un air de liberté
Première curiosité : « T’as vu ? Ils se tiennent par la main ! » Ça peut paraître anodin, mais depuis notre arrivée en Inde, c’est la première fois que nous croisons des couples qui ne craignent pas de s’afficher publiquement.
Le poids de la tradition ne s’est pas évaporé en passant du Nord au Sud. Mais le sable chaud de la plage pondichérienne semble donner le goût de la liberté à ces jeunes gens. Tout à l’heure pourtant, ils rentreront chez eux en bus où un homme et une femme n’oseront même pas s’asseoir côte à côte s’ils ne sont pas de la même famille.
Pondichéry la Française. Les Indiens viennent rechercher cette douce liberté. Ce coin de terre où on n’a pas l’impression d’être chez soi. Française, mais pas totalement. La topographie est certes très différente des villes indiennes que nous venons de visiter : les rues sont perpendiculaires, toutes agrémentées de trottoirs et des plaques indiquent leur nom. Mais Pondichéry est avant tout (et ce depuis 1962) une ville indienne.

Pondy l’hindoue
Une évidence d’autant que nous arrivons dans la ville en plein week-end de Ganesh Chaturthi (la grande fête annuelle en hommage au dieu éléphant). De nombreuses familles sont venues parfois de très loin pour passer un moment de détente au bord de l’océan.
Au milieu des festivités, nous rencontrons Raj, 23 ans. Il ne parle pas un mot de Français mais un Anglais remarquable. Il n’est pas pratiquant (son père est hindou et sa mère chrétienne) mais il tient à nous faire vivre les célébrations dans le grand temple de Pondy.
Ainsi, au milieu de la vieille ville coloniale, un temple dravidien typique du Sud de l’Inde surgit et mugit. Un éléphant nous accueille à l’entrée. Il « bénit » les fidèles qui lui tendent une touffe d’herbe (et un billet pour son dresseur). Puis nous pénétrons avec Raj dans un tourbillon de couleurs et de dévotion.

Pondichéry l’Indienne en phase avec son Histoire et son caractère singulier. C’est aussi la vision de la Consule générale de France, Catherine Suard. Nous la rencontrons un lundi matin autour d’un café.
En Inde depuis plus de 2 ans, cette diplomate porte un regard plein d’optimisme sur l’avenir de l’ex-comptoir : « Le Gouvernement du Territoire de Pondichéry fait tout pour préserver ce patrimoine et cet état d’esprit si particulier par rapport au reste de l’Inde. Il sait que c’est précisément ce que viennent chercher les touristes indiens ici ! »
Se promener : une première en Inde
Se promener dans la ville. Voilà par exemple une activité si « particulière » au reste de l’Inde. Flâner. Ne pas être pressé. Ne pas juste passer. Pouvoir marcher sans être bousculés. À Delhi ou Calcutta, on nous demanderait : « Mais pourquoi marcher ? » Ici, on recherche la nonchalance.
On mange une glace sur la promenade qui longe l’océan. On se pose dans le jardin du Café des Arts avant de rejoindre le vieux phare. On se crame la peau jusqu’au bout de la plage puis on revient manger un dosa pendant que le temple crache de la musique bollywoodienne.

On prend un lassi ou un chai au bien nommé Café. On dévore une tarte au chocolat chez Züka, on écluse une Kingfisher devant la jetée pendant que le muezzin appelle à la prière depuis le minaret voisin.
On salue coup sur coup la statue de Jeanne d’Arc et celle (à l’éclairage très pop) de Gandhi. On se promène et on tombe sur un gars qui veut nous montrer son resto. En fait, son « futur » resto, dans ce qui n’est aujourd’hui qu’un terrain vague. Il nous parle de son club de pétanque. Et nous indique notre chemin.
Nous poursuivons entre les multiples représentations de la Grotte de Lourdes devant les églises (pour le plus grand bonheur de Pierre) et nous recroisons Raj à moto.

Notre premier vrai bar
Et puis nous arrivons à L’eSpace. Un resto/bar au sommet d’une maison. Une femme nous démasque tout de suite : « Vous, vous êtes Français ! » On ne peut rien lui cacher ! L’ambiance est cool. On chille !
Pour la première fois depuis notre arrivée en Inde, on est dans un « vrai » bar où se mêlent des hommes, des femmes, des Indiens, des touristes. On nous sert des mojitos, on écoute du reggae/lounge. La déco, entre objets chinés et lampions colorés, nous donne des impressions de Buttes-Chaumont.
Nous sommes dans l’antre du grand-frère du danseur Raghunath Manet qui a ouvert une école dans la ville. Il est lui-même danseur-étoile et d’une gentillesse rare. Il nous raconte sa vie. Son père Français, militaire, qui fait de lui un « Franco-pondichérien ». Sa double-culture, ses séjours en France et son indéfectible attachement à Pondichéry.

Le choix de la France
Un récit que nous retrouvons un autre soir, au même endroit, de la part d’une amie à lui. Elle aussi est « Franco-pondichérienne ». Ce terme n’a en fait aucune reconnaissance juridique : la double nationalité n’existant pas en Inde, les « Franco-pondichériens » sont en fait des Français originaires de Pondichéry. Elle vit à Rennes et revient ici tous les ans retrouver ses racines. Elle était au temple tout à l’heure. Avant de nous quitter, elle nous donne sa bénédiction et nous signe d’un point blanc sur le front.
Tous les deux ont en commun de cumuler harmonieusement les deux cultures : française et indienne. Le choix de la France de la part de leurs parents n’est pas anodin : lors du transfert de souveraineté, le général De Gaulle a proposé la nationalité française à tous ceux qui la souhaitaient.
En Europe, on les prendrait pour des Indiens. Mais leur apparence tamoule n’est qu’une part de leur identité : ils ont deux cultures, la citoyenneté française et sont finalement les meilleurs ambassadeurs de l’hexagone en Inde (et vice-versa).

Autre rencontre surprenante, cette Française, celle qui nous a démasqués à notre arrivée. Elle, elle a fait le choix de l’Inde. Après de nombreuses vacances ici, devenue amie du patron, elle a décidé de quitter la Nouvelle Aquitaine pour s’installer à Pondy et entamer une audacieuse reconversion professionnelle. Elle attend à présent son visa.
Elle revient d’ailleurs de visiter un appartement qu’elle souhaite louer avec son compagnon indien : « Je ne sais pas si on l’aura… Les propriétaires rechignent à louer aux couples non mariés. Même à Pondichéry… » Elle n’a aucune racine avec ce pays mais elle va déjà prier au temple. Elle nous parle avec intérêt d’Auroville, ce qui nous convaincra d’ajuster notre itinéraire (on vous en dit plus ici).
Les murs gris et les murs jaunes
Et on touche là à une autre surprise de Pondichéry. Indienne, française, musulmane, chrétienne, hindouiste,… Pondy est aussi très mystique. Elle abrite en son sein un ashram qui s’étend sur plusieurs bâtiments.
En plein coeur de la ville, des dizaines de maisons et d’immeubles reconnaissables à leurs murs peints en gris et blanc accueillent les fidèles de Sri Aurobindo. Cet Indien venu se réfugier à Pondichéry au début du XXe siècle était un nationaliste farouchement opposé à la présence des Anglais dans son pays.

Fasciné par la France, il s’assagit au point de devenir un philosophe reconnu à travers le monde pour sa théorie du « yoga intégral ». Il crée un ashram en 1926, toujours en activité aujourd’hui. Nous avons d’ailleurs pu nous recueillir parmi ses fidèles devant sa tombe (perpétuellement fleurie) qu’il partage avec sa compagne spirituelle, Mirra Alfassa. C’est cette Française, surnommée « Mère », qui fondera Auroville.
À la sortie, nous croisons coup sur coup des fidèles de Sri Aurobindo, des bonnes sœurs, des femmes en hijab, d’autres en sari,…
La Saint-Trop’ indienne
Finalement, toutes ces facettes de Pondichéry ne forment qu’un grand tout pacifique au bord de l’océan Indien. Chaque communauté vit paisiblement – un sentiment partagé par l’ensemble de nos interlocuteurs rencontrés au cours de cette étape.
Mais Pondichéry est aujourd’hui à un tournant de son Histoire. Celle qui s’est rebaptisée Puducherry dès le départ des Français ne donne pas l’impression de vouloir se défaire de son identité. Partout dans les rues on ne parle que de « Pondy ».

Le choix de la France pourrait faire d’elle la « Saint-Trop' » indienne. Elle doit pour cela réussir à digérer l’explosion de la classe moyenne indienne ; la seule aujourd’hui à pouvoir s’offrir quelques jours de congés ici.
Les murs jaunes et blancs des bâtiments coloniaux fascinent. Ceux gris et blancs de l’ashram intriguent. Pour le moment, aucun mur ne reste infranchissable.
Nos coups de cœur
Chiller. Tenu par un Franco-pondichérien charmant, ce bar cosy rendez-vous des Indiens et des Français est une petite oasis dans la ville. Bons cocktails et bonne cuisine.
L’eSpace, 2 rue de La Bourdonnais, White Town. Au 1er étage
Manger. Un resto avec des tables dans un jardin au bord de la mer, un luxe à tout petit prix à Pondy. Que du veg, varié et savoureux.
Selva’s Sea View, Beach Road, Near Chief Secretariat, White Town
Visiter. L’âme d’une ville passe indéniablement par son marché. Celui de Pondichéry déborde de vie, de sourires, de senteurs. On a aimé se perdre dans ses allées et échanger des regards complices avec les marchandes de fruits et de poissons.
Goubert Market, JN Street, MG Road Area
Merci de me faire revivre mon voyage en Inde qui marqua aussi le début de mon tour du monde. C’était il y a 10 ans.
L’envie de retourner en Inde se fait de plus en plus forte depuis 2 ou 3 ans et en lisant vos textes, je me dis qu’il va falloir que je le prenne ce billet 🙂
Merci beaucoup 🙂
Le rêve a portée de main.continuez à me donner du bonheur.💕💕