Hpa An : la vraie perle de la Birmanie

Montagnes karstiques à Hpa An

Après un interminable trajet en train et en bus, nous arrivons à Hpa An, capitale des Karens et porte d’entrée du Sud de la Birmanie. Une ville en apparence banale. Et pourtant… C’est notre coup de coeur dans le pays.

Nous quittons les fantômes de Naypyidaw pour effectuer un « bond » de 500km. Nous aurions pu prendre l’avion, nous aurions mis une heure. Mais nous avons le temps, alors autant veiller à notre empreinte carbone et à notre budget. Une petite recherche Google et on trouve notre bonheur. Ce sera en train puis en bus que nous ferons le trajet jusqu’à Hpa An. 

Ça tombe bien : nous n’avons pas encore testé la SNCF birmane ! Et on vous l’a souvent dit : le train est notre mode de transport favori (quand il existe). Il offre toujours des points de vue étonnants, des scènes de vie drôles ou touchantes à l’intérieur comme à l’extérieur des wagons. Et puis le doux ronronnement de la loco sur les voies… On ne s’en lasse pas. Cela fait parfois mal aux fesses, mais cela fait aussi beaucoup de bien à l’esprit.

Les guichets de la gare de Naypyidaw

Gare de campagne en pleine capitale

Il n’y a pas de gare dans le centre-ville de Naypyidaw. En même temps, il n’y a pas non plus de centre-ville… Il faut parcourir 12 kilomètres, jusqu’à la ville voisine. On refait appel à notre taxi moto de la veille qui, à défaut de nous avoir appris à conduire, a plutôt bien rempli son rôle de guide. Il est par ailleurs bien moins cher qu’un tuk-tuk. Un dernier regard sur les avenues désertes et nous sommes déposés à bon port.

Ce qu’on imaginait comme une gare de capitale est en fait… un arrêt de campagne. La folie des grandeurs de la junte birmane n’est visiblement pas arrivée jusque là. En guise de bâtiment principal, quelque chose qui ressemble à une grosse maison. Derrière elle, deux voies ferrées : une pour les trains allant vers le nord, l’autre pour ceux allant vers le sud. Et rien de plus que le silence. 

Notre ticket de train

Comme qui dirait : ce n’est pas la foule des grands jours (si seulement il existe des grands jours à Naypyidaw). Trois Birmans végètent sur les sièges de ce qui fait office de salle d’attente. Les files des guichets sont désespérément vides. Nous nous présentons au chef de gare – pour ne pas dire que nous le réveillons – en lui indiquant notre destination. Il hoche la tête et sort un petit carnet à souche qui fait office de tickets. 

Apprentissage de la patience

La bonne nouvelle, c’est que le train est à peu près la seule chose en Birmanie dont le prix est identique qu’on soit habitant ou touriste. Les chemins de fer birmans ont mis fin à la différenciation tarifaire en 2014. Une petite révolution ! Nous en avons pour 8.600 kyats à deux en seconde classe, soit l’équivalent de 5 euros. 

L’animation bat son plein dans notre wagon

La mauvaise nouvelle, que nous découvrons sur le tard, c’est que le train birman est lent. Très lent. Exagérément lent. Pour les 300km à parcourir jusqu’à Pégou (aujourd’hui appelée Bago), qui prennent 5 heures en bus, nous mettrons… 11 heures. Ce qui fait une vitesse moyenne de 27 km/h. Autant vous dire qu’on a eu le temps de l’apprécier, le doux ronronnement de la loco ! Et que penser des interminables arrêts en pleine cambrousse, à attendre on ne sait quoi ? Dire qu’on râle en France pour 5 min de stationnement sur les voies…

Il fait tout noir quand on descend à la gare de Pégou. Le dernier bus pour Hpa an s’en est allé depuis longtemps. Nous sommes bons pour passer la nuit ici. On déniche un hôtel passable – l’Aroma, rien à voir avec la moutarde – qui nous coûte tout de même 25$ la nuit (contre 16$ la même chambre pour les Birmans). On mange dans le seul restaurant qui sert encore dans le quartier. Demain, pas de doute : on mettra les voiles sans tarder !

À notre arrivée à Pégou

Une ambiance toute différente

Le lendemain, après quatre heures de bus, nous atteignons enfin Hpa An. On nous avait décrit la ville comme « moche mais aux alentours remarquables ». Peut-être est-ce dû à la sinistre journée d’hier, mais on lui trouve au contraire un certain charme. Une poignée de vieux bâtiments coloniaux, un marché animé et le Salouen, un fleuve paisible ponctué d’îlot de sables. On la parcourt à pied tout l’après-midi. Et on termine par la pagode Shwe Yin Mhyaw, avec une vue imprenable sur le coucher de soleil.

Il y a à Hpa An une ambiance toute différente du reste de la Birmanie. Les habitants y sont particulièrement chaleureux. Ils ont aussi l’air plus détendus et sereins. Ils sourient. Ça peut paraître tout bête, un sourire, mais ça fait une énorme différence. En parcourant a posteriori les photos que nous avons prises des Birmans à Rangoun et Bagan, nous avons soudain réalisé qu’ils avaient tous la mine grave, inquiète, comme s’ils portaient du plomb sur les épaules. À Inle, nous avions commencé à entrevoir un peu de joie de vivre au contact du peuple Karen. Maintenant que nous sommes dans sa capitale, cela se confirme. 

Maison dans le centre-ville de Hpa An

Les Karens n’ont pourtant pas eu la vie facile. Élite intellectuelle pendant la colonisation britannique, ils le payent cher pendant la seconde guerre mondiale lorsque survient l’invasion japonaise. Victimes de pogromes, ils se voient forcés de prendre le maquis. En 1948, à l’indépendance de la Birmanie, ils réclament eux aussi leur indépendance. Mauvaise idée. Le coup d’État militaire de 1962 douche leurs espoirs. Les Birmans, si attachés à l’unité nationale, répriment par le sang toute velléité d’autonomie. La répression se poursuivra jusqu’au milieu des années 2000. Entre temps, beaucoup de Karens se sont exilés en Thaïlande.

Bienvenue chez les Karens

Si la paix semble revenue, Hpa An vit encore sous surveillance militaire. C’est la première fois depuis que nous sommes dans le pays que nous voyons autant de contrôles par les forces armées. On aperçoit aussi des paramilitaires, droits sur leur pick-up, le fusil en bandoulière. Les Karens s’y sont résolus. Ils font avec. Et malgré ces nombreuses années de violence, ils restent fidèles à leur réputation d’accueil et de gentillesse envers les visiteurs étrangers.

Femmes karens

Un accueil que l’on perçoit au détour de chaque ruelle, en répondant aux bonjours des habitants attablés en famille devant leur porte. Un accueil que l’on retrouve sur la promenade le long du fleuve, où nous sourient les couples main dans la main qui flânent aux dernières lueurs du jour. Cet accueil, on le ressent jusque dans la nourriture qui nous est servie sur les stands de l’agréable marché nocturne. Une nourriture généreuse, variée, savoureuse, comme cela nous avait tant manqué jusqu’à présent. On se sent bien ici, parmi les Karens. Véritablement bien.

Paysages karstiques

Venons-en aux « alentours remarquables ». C’est aussi pour ça que nous sommes ici ! Et n’hésitons pas tout de suite à le dire : la région de Hpa An est la perle de la Birmanie. Sur quelques centaines de kilomètres carrés, elle concentre un patrimoine naturel et historique exceptionnel. 

Agricultrice dans les rizières

On le doit d’abord à ses magnifiques massifs karstiques – vous savez, comme à la baie de Ha Long – bordés de rizières et de champs, et truffés de dizaines de grottes. Ces dernières abritent souvent des temples. Elles ont aussi servi de refuges aux insurgés. La plus belle est indéniablement la Yathae Pyan Cave, qui se visite de préférence en fin d’après-midi. À son pied, une allée monumentale qu’encadrent deux bassins rectangulaires. Elle nous mène à un escalier qui gravit les rochers, jusqu’à la porte de la cavité. Des bouddhas peints en or, debout, le regard vers l’horizon, indiquent la voie aux pèlerins. À l’intérieur, des stupas alternant avec de majestueuses stalagmites et stalactites. 

Le sentier s’enfonce plus loin encore dans la grotte. On marche sans trop savoir jusqu’où aller. On traverse des parties plus sombres. Dix minutes s’écoulent. Des visiteurs rebroussent chemin pensant avoir tout vu. Pourtant, il faut aller jusqu’au bout. À l’instant où l’on pense terminer dans un cul de sac, un rayon de lumière surgit du ciel. On accélère le pas, on grimpe, curieux de savoir sur quoi on va déboucher. On a traversé la montagne de part en part. Et c’est donc de l’autre côté que la cavité nous amène, à une centaine de mètres de haut, à flanc de falaise, où l’homme a eu la bonne idée d’aménager un belvédère. Le panorama sur les rizières est inoubliable.

La vue depuis l’autre côté de la grotte de Yathae Pyan

La danse des chauves-souris

Hpa An, c’est aussi la pagode de Kyaut Ka Latt. Une pagode toute simple, mais construite dans un lieu unique : à l’extrémité d’un piton rocheux, dont la base est plus étroite que le sommet. On s’interroge sur la façon dont les ouvriers s’y sont pris pour parvenir jusque là. Et on se demande surtout comment ce rocher haut comme un immeuble haussmanien mais au pied si mince réussit à tenir encore debout. Les moines nous accueillent en prière et nous remettent une image du Bouddha.  Ils nouent autour de nos poignets un fin ruban orange. Les généreux donateurs repartent quant à eux… avec un poster. 

Mais le moment le plus étonnant de notre séjour à Hpa An, ce ne fut ni les grottes, ni les temples, ni les rizières, ni même les sublimes montagnes. Ce fut les chauves-souris. On en a vu des tonnes, des chauves-souris, depuis le début de notre tour du monde : des petites, des géantes, des grises, des noires, des poilues. Elles sont partout : en Inde dans les recoins des palais des maharajas ou dans le fort de Jaisalmer, en Indonésie dans les ruines de Prambanan comme dans la jungle de Sumatra. Mais à Hpa An, elles se donnent en spectacle. 

La pagode de Kyaut Ka Latt

Rendez-vous au coucher du soleil devant la grotte de Linno Gru, juste au bord de la rivière. Cette grotte est fermée au public, car elle sert de sanctuaire à ces étonnants mammifères nocturnes. Non pas à quelques dizaines d’entre eux. Ni même à quelques centaines. À des dizaines et des dizaines de milliers. Chaque jour, à la même heure, toute la colonie se réveille. Et c’est toute ensemble qu’elles sortent de leur antre.

La Birmanie qu’on aime

Pendant trente minutes, une nuée incessante de chauves-souris quitte la grotte et s’ébat au-dessus du Salouen. Une meute qui part en chasse. Un cortège massif qui noircit le ciel de ses grandes ailes en poussant un même cri aigu de ralliement. Une chaîne ininterrompue qui survole la forêt, les ponts, les collines, jusqu’à se perdre plus loin que nos yeux ne peuvent voir. Au coeur de la nuit, leur course terminée, elles reviendront invariablement ici. Jusqu’à leur prochaine sortie.

C’est tout ça Hpa An : sa faune, sa flore, sa culture, sa générosité humaine. Porte du Sud, elle est aussi pour nous la porte de la Birmanie que l’on aime et où l’on rêve de s’attarder. 

Mère et son fils dans une piscine naturelle près de Hpa An

Nos coups de coeur

Dormir. Le Galaxy Motel, en plein centre-ville, propose des chambres doubles simples mais à bon prix (20$ la nuit pour deux). Il organise aussi un tour d’une journée pour découvrir les alentours de Hpa An : une bonne solution si vous n’êtes là qu’un jour ou deux.

Déguster. Le marché de nuit de Hpa An est une petite perle à lui tout seul, avec des dizaines de plats différents, tous à prix abordable. Il s’installe chaque jour vers 18h et ferme ses portes vers 22h. Attention, selon les jours, il peut être aux abords du lac ou sur un parking près du fleuve. Se renseigner auprès de votre guesthouse.

S’aventurer. Pour les plus courageux, l’ascension du mont Zwegabin offre un magnifique panorama sur la région. La montée est rude : au moins deux heures, en plein soleil, à gravir des centaines de marches. Au sommet se trouve aussi un monastère : il était autrefois possible d’y dormir, c’est désormais formellement interdit aux étrangers par les autorités birmanes.

Coucher de soleil sur le fleuve Salouen

À éviter

Triste Moulmein. Voisine de Hpa An, la ville de Moulmein, autrefois réputée pour son patrimoine colonial et son animation, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Urbanisme anarchique, monuments à l’abandon, rues désertes : elle ne présente que très peu d’intérêts à la visite. Mieux vaut ne pas s’y attarder.

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8 commentaires sur “Hpa An : la vraie perle de la Birmanie

  1. Bonjour Pierre et Matthieu, je vous suis depuis peu mais j’adore !! Vous me faites rêver avec vos photos et commentaires !!! J’ai pour projet également de partir d’ici quelques mois, j’attends d’avoir mon budget et j’ai vraiment hâte ! Je pars seule mais cela ne me fait pas peur au contraire !! Je vous embrasse tous les deux et continuez à nous faire planner c’est vraiment cool !!
    Nadia

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